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Une émouvante cérémonie au camp de Voves – 14/05/2023
<< Retour liste des actualitésCe dimanche 14 mai 2023, nous étions nombreuses et nombreux rassemblés aux Villages-Vovéens, pour assister à la cérémonie du Souvenir en mémoire des internés, des déportés et des fusillés qui ont fréquenté ce camp de Voves durant la dernière guerre. En présence du sous-préfet d’Eure-et-Loir, d’élus ainsi que du maire de Voves, Marc Guerrini.
Nous remercions chaleureusement, pour leur évocation de ces temps difficiles, les élèves du collège Gaston Couté de Voves et ceux du groupe scolaire Jean Moulin, mais aussi les chorales Mi Bémol et Chants Do Ré, sous la direction artistique de Philippe Lipchitz, Sub’théatre, et enfin pour les textes d’Etienne Egret, vice-président mémoire, écrivain.
Pour plus d’éléments contextuels, vous pouvez vous rendre sur l’article de Actu.fr .
Vous trouverez ci-dessous une transcription du discours de Carine Picard-Nilès, présidente de notre Amicale (seul le prononcé fait foi).
» Monsieur le Préfet, Mesdames, Messieurs les Conseillers régionaux et départementaux, Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs les élus, Madame la Directrice des services Départementaux de l’ONAC, Mesdames, Messieurs les représentants des associations d’Anciens Combattants, de Résistants, de Déportés et de la Mémoire, Mesdames et Messieurs les représentants de la communauté Israélite, Vous la jeunesse, Mesdames et Messieurs les porte-drapeaux, Mesdames, Messieurs, chers amis, chers camarades,
Merci d’être toujours aussi nombreux pour se remémorer les souffrances et les résistances qui furent vécues en ce lieu.
Après la défaite de juin 1940, ce fut d’abord un camp de prisonniers de guerre, puis très vite il devint un centre surveillé. Le camp est placé sous autorité française et ouvre le 5 janvier 1942 pour isoler les personnes dites « dangereuses » et « contagieuses ». C’est donc ainsi que séjournèrent à Voves 2 040 hommes « dangereux et donc contagieux » désignés comme otages auprès des autorités allemandes.
Les hommes étaient déjà passés par la case prisons ou d’autres camps. Ils venaient de toute la France : Aincourt, Gaillon, Vaudeurs, Rouillé, Rennes, Paris, Pithiviers, Écrouves, Laleu et Châteaubriant, où certains avaient vu 27 de leurs camarades, désignés par Pucheux, ministre de l’Intérieur de Pétain, être fusillés le 22 octobre 1941.
Ils étaient tous là, à la suite des grandes vagues d’arrestations de 1940 et 1941. Ils avaient été arrêtés et internés pour activité de résistance, activité politique illégale, communistes, gaullistes, syndicalistes, d’autres parce qu’ils étaient « étrangers » et d’autres encore étaient des prisonniers de droits communs.
La vie était rude et très difficile ici. Pourtant, la solidarité y était de mise. Le courage aussi, pour maintenir le moral, développer la création… et effectuer la préparation d’évasions ! Il y a eu dans ce camp un orchestre, une troupe de théâtre une chorale, une université dispensant des cours divers et variés, ainsi que des activités sportives.
20 évasions, certaines spectaculaires, eurent lieu et 82 évadés rejoignirent la Résistance. Ici, un tunnel de 148 m fut creusé pour permettre une de ces évasions. Peut-on imaginer ce qu’il a fallu d’ingéniosité, d’imagination et de courage, pour effectuer ce travail sans être repéré ?
Ceux qui n’eurent pas la chance de s’évader partirent d’ici vers Rouillé, La Rochelle, Romainville, Pithiviers, Drancy ou Compiègne.
Ce sont plus de 600 internés de ce camp qui furent déportés dans les camps de concentration nazis, et bien peu rentrèrent.
Le 9 mai 1944, le camp fut « liquidé » par un détachement allemand. Les 407 internés encore dans le camp furent alors déportés à Neuengamme. Les deux tiers d’entre eux y périrent.
Il ne faut pas oublier que ces années-là furent le fruit du régime nazi, arrivé au pouvoir en Allemagne par les urnes, en grande partie en raison d’une brusque montée du chômage et de la misère, conséquences de la crise financière de 1929.
Nous vivons aujourd’hui, un peu partout dans le monde, en Europe, en France, une époque bien similaire et dangereuse pour la démocratie et la liberté, où des mouvements fascisants renaissent, où la xénophobie, l’homophobie, l’antisémitisme, l’islamophobie et le racisme se développent tant dans les propos que dans les actes.
Ainsi, nous ne devons avoir ni complaisance, ni permissivité, mais une application ferme des lois de la République face à l’ultranationalisme.
Ces hommes, qui avaient traversé cette inhumanité et qui avaient vu mourir tant des leurs, avaient décidé de pérenniser la mémoire, de ne pas pleurer sur leur souffrance passée mais de transmettre aux jeunes générations le pourquoi, l’explication de ces événements !
Expliquer et faire comprendre pourquoi ces crimes avaient été commis, faire connaître la réalité de cette guerre.
Les témoins disparaissent mais leurs enfants, leurs petits-enfants, leurs amis ont aujourd’hui pris la relève du travail de mémoire parce qu’oublier serait faire injure à la Résistance, injure à ceux qui ont donné leur vie et parce qu’il faut être impérativement vigilant pour préserver l’avenir alors que des conflits meurtriers sont à nos portes.
En cette année 2023, soyons aussi reconnaissants vis-à-vis de ceux qui, il y a 80 ans, se battaient pour la liberté et avaient décidé de s’unir pour envisager des « Jours heureux », en créant l’union de tous les mouvements de la Résistance, des 2 grands Syndicats de l’époque, la CGT et la CFTC, et des partis politiques sous le nom de Conseil National de la Résistance, le 27 mai 1943, rue DUFOUR à Paris, et ce sous la houlette de Jean Moulin.
Merci au Comité du Souvenir de Voves, qui avec le soutien indéfectible de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt œuvre sans répit contre l’oubli et permet la transmission de l’idée que, en France, « liberté », « égalité » et « fraternité » ne sont pas de vains mots. »
C. Picard-Nilès