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Lettre ouverte au candidat Macron, par Odette Nilès et Carine Picard Niles
<< Retour liste des actualitésNous reproduisons ici les messages qu’ont adressé conjointement Odette et Carine à l’actuel président de la République française, à l’approche du second tour de l’élection présidentielle, et qui a été publié jeudi 21 avril dans le journal L’Humanité…
« Monsieur Macron,
Dimanche 24 avril, je mettrai un bulletin de vote à votre nom dans l’urne, sans adhésion aucune à votre projet mais par fidélité à mon combat contre le fascisme et pour la Jeunesse.
En 1941, à 17 ans, j’ai été arrêtée par des policiers français, lors d’une manifestation anti-allemande à Paris, sur dénonciation, parce que jeune militante communiste drancéenne. J’ai connu les interrogatoires, l’enfermement, la faim, le froid pour avoir voulu défendre mon pays et mes idées. Mais j’ai aussi eu l’honneur de rencontrer, notamment, Jean-Pierre Timbaud, dirigeant syndicaliste CGT, et Guy Môquet, étudiant de 17 ans comme moi.
Aujourd’hui, je suis, à 99 ans, la dernière survivante à les avoir vus partir pour la mort, le 22 octobre 1941, en hurlant la Marseillaise. Fiers de mourir pour leur Patrie et sûrs que des jours meilleurs s’offriraient à la jeunesse dans un pays libéré.
Rescapés des camps d’internement et de déportation, nous avons, dès 1945, créé notre association pour perpétuer la mémoire de nos camarades.
Guy Môquet nous a laissé, du haut de ses 17 printemps, une maxime qui aujourd’hui encore est ma raison d’être : « Les copains, qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui vont mourir. »
Témoin et actrice de cette époque douloureuse de l’occupation allemande où régnaient en maîtres les nazis et leurs serviteurs français, pétainistes, je ne peux accepter que les thèses de l’extrême droite se propagent à nouveau. Je ne veux pas qu’ils s’approprient notre drapeau tricolore et encore moins cette Marseillaise, qui a donné le courage à mes camarades d’aller affronter la mort, pour NOTRE France.
Je ne peux les laisser se présenter en défenseurs de la Patrie quand ils font l’apologie des traitres de tous pays et qu’ils témoignent tant de mépris pour notre devise de la République : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Ces valeurs qui rassemblent tous les démocrates et toute notre population, issue de la diversité des migrations, de la décolonisation et des conflits internationaux, comme aujourd’hui entre la Russie et l’Ukraine.
Sachez qu’à mon âge, jamais je ne baisserai la garde et ne vous permettrai de prendre mon vote pour acquis. Je veux que ce qui nous animait en 1945, ces jours heureux, qui ont forgé la sécurité sociale, le service public et la reconnaissance du travail, vous les portiez comme un rempart contre la haine et le fascisme. Votre jeunesse ne peut rester sourde à mon parcours et à mes mots qui sauront être une boussole pour la jeunesse à venir. J’ai toujours cru en elle. »
Odette Nilès, Officier de la Légion d’Honneur, ancienne internée du camp de Châteaubriant et Présidente honoraire de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt
« Je suis fière de continuer le combat de celles et eux qui ont toujours revendiqué que le racisme et le fascisme ne sont pas des opinions mais des délits, punis par la loi.
Dans la fidélité de leur rassemblement au-delà de leurs divergences politiques ou religieuses, je perpétue, au sein de l’Amicale et dans ma vie, cette volonté de rassemblement contre toutes idéologies de haine ou de violence.
A-t-on jamais vu des membres de ces partis d’extrême droite dans les grandes manifestations revendicatives des travailleurs alors qu’ils se targuent de les soutenir ? Eux, dont les dirigeants font partie des premières fortunes de France.
Dimanche 24 avril, je m’opposerai, donc, à un ennemi fasciste en mettant un bulletin pour un adversaire politique dont je ne partage pas les idées libérales mais que je combattrai fermement. M’abstenir serait un consentement à l’extrême droite. »
Carine Picard Niles, Présidente de l’Amicale