Actualités

Cérémonie du 78e anniversaire de la libération des derniers internés politiques

<< Retour liste des actualités

publié le : 22/12/2022

Saint-Martin-de-Ré, 11 décembre 2022

Intervention prononcée par Denise Jourdan, fille d’un interné, au nom de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt

Madame la directrice du centre pénitentiaire,
Monsieur le Maire de Saint-Martin,
Mesdames et Messieurs les élu.e.s,
Mesdames et Messieurs les représentant.e.s des Associations d’Anciens Combattants, de Résistance et de Mémoires,

Mesdames, Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames Messieurs, cher(e)s ami(e) , cher(e)s camarades,

Que s’est-il passé, ici, pour que 78 ans après nous soyons réunis en ce lieu ? Souvenons- nous…

Décembre 1944, Strasbourg est libérée depuis 10 jours,
Les internés, derniers prisonniers politiques, vont quitter le bagne de Saint-Martin-de-Ré grâce à la pression des FFI autour de la Rochelle et une négociation conduite par la Croix Rouge pour être échangés contre des prisonniers de guerre allemands faits par la Résistance.

Accueil par M. Patrice Dechelette, Maire de Saint-Martin-de-Ré. (c) Photo Guy Hervy

Ce ne fut pas simple.

Mais ces hommes, certains détenus depuis 4 ans, qui étaient ils ? Et d’où venaient-ils ?

Essayons de résumer ce que nous savons.

Arrêtés à diverses périodes, ce sont des syndicalistes, des membres du Parti Communiste, quelques socialistes et anarchistes, des francs-maçons, des opposants à Vichy, des personnes refusant de travailler pour l’occupant, des républicains espagnols.

Parmi eux, plus de cent arrivent du camp de Voves via Pithiviers, compagnons des fusillés de la Sablière et de la Blisière de Châteaubriant, de ceux de Nantes et du Mont-Valérien. Ils retrouvent les compagnons de la répression et des combats de ceux de Souge, de la butte de Biard. Pour une grande partie d’entre eux, ce sont les années de leurs vingt ans. En ce début décembre, ils vont enfin être libérés.

Non, car l’administration veille : ils sont jetés en prison.

Leur tapage, la pression de la population, la peur des suites devant la progression de la Résistance font que les détenus français vont être libérés.

Ils refusent, se mettent en grève, décidant de ne sortir que si tous les prisonniers politiques, dont les républicains espagnols, sont libérés.

Le 13 décembre, 500 détenus politiques sont relaxés.

Enfin libres !

Intervention de Mme Denise Jourdan. (c) Photo Guy Hervy

Après ces épreuves, ils seront les cadres politiques, syndicaux, associatifs, des mouvements sportifs, culturels d’éducation populaire, lié.e.s à leur quartier, leur ville, leur village.

Elles et ils impulseront la reconstruction du pays, mettant en œuvre le programme du Conseil National de la Résistance, élaboré il y a 78 ans.

Leur histoire collective reste à écrire. Pour la connaître, leur rendre hommage, les travaux des historiens s’appuyant sur ceux déjà réalisés devront la mettre en lumière, pour les générations à venir.

Aux commémorations indispensables doit s’ajouter la reconnaissance de ce qu’elles-ils ont fait pour notre liberté.

Saluons leur mémoire et qu’ils soient aujourd’hui remerciés. Merci de votre attention.

 

Intervention de Madame Danièle PINON pour les Amis de la Fondation de la Résistance DT 17

La citadelle de Saint-Martin-de-Ré est un ouvrage militaire édifié à la fin 17e siècle afin de protéger l’Ile de Ré.

En 1873, la citadelle est transformée en dépôt pour le regroupement des prisonniers destinés à être envoyés vers les bagnes de Nouvelle-Calédonie ou de Guyane française. Un décret-loi de juin 1938 abolit la transportation, et le dépôt devient un centre pénitentiaire, puis une maison centrale.

Le 3 septembre 1939, la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne intervient une dizaine de jours après le pacte de non-agression germano-soviétique, le 23 août. Cette situation déchaîne un déferlement anticommuniste.

Le 26 septembre 1939, le gouvernement Daladier promulgue le décret « portant dissolution des organisations communistes », complété le 18 septembre par un second décret-loi précisant, je cite, que « les individus dangereux pour la défense nationale et la sécurité publique peuvent, sur décision du préfet, être astreints à résider dans un centre désigné par décision du ministre de la Défense nationale et de la Guerre et du ministre de l’Intérieur ». Désormais, les communistes français sont des « indésirables », des personnes suspectes dans leur propre pays.

En vertu de ces décrets, avant la fin de l’année 1939, principalement dans la région parisienne, plusieurs centaines de militants communistes sont conduits dans les prisons de la Santé et du Cherche-Midi. D’autres le seront en avril et mai 1940. Ils sont ensuite dirigés vers des camps d’internement, tels que Gurs, Châteaubriant, Voves, Aincourt.

Dès 1938, l’Histoire se bouscule très rapidement :

  • Le décret du 12 octobre 1938 concerne le « contrôle et la surveillance des étrangers » vivant sur le sol français considérés « indésirables » tels les antinazis et Juifs allemands et autrichiens, ou les réfugiés espagnols fuyant le franquisme.
  • Le 3 septembre 1939 la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne intervient une dizaine de jours après le pacte de non-agression germano-soviétique, le 23 août. Cette situation déchaîne un déferlement anti-communiste.
  • Le 26 septembre 1939, le gouvernement Daladier promulgue le décret « portant dissolution des organisations communistes », complété le 18 septembre par un second décret-loi précisant, je cite « Les individus dangereux pour la défense nationale et la sécurité publique peuvent, sur décision du préfet, être astreints à résider dans un centre désigné par décision du ministre de la Défense nationale et de la Guerre et du ministre de l’Intérieur ». Désormais les communistes français sont des « lndésirables », personnes suspectes dans leur pays.En vertu de ces décrets, avant la fin de l’année 1939, principalement dans la région parisienne, plusieurs centaines de militants communistes sont conduits dans les prisons de la Santé et du Cherche-Midi. D’autres le seront en avril, mai 1940. Ils sont ensuite dirigés vers des camps d’internement, tels Gurs, Châteaubriant, Voves, Aincourt, et bien d’autres… Un exemple : je pense à Jacques Georges, arrêté fin 1939 a 19 ans à Paris. II connaît la prison de la Santé, en isolement, l’exode pénitentiaire l’amène au camp de Gurs puis à celui de Mauzac. Enfin jugé , il est incarcéré à la prison militaire de Nontron, puis envoyé en résidence surveillée à Rochefort, chez sa grand-mère. II rejoindra début 1944 son frère Pierre Georges, le colonel Fabien.

C’est ainsi que, le 10 mars 1940, le centre pénitentiaire de Saint-Martin-de-Ré devient le Centre de séjour surveillé d’indésirables français. Entre mars et fin juin 1940, une cinquantaine de Charentais-Maritimes, sur ordre du préfet Alype, y sont internés, dont 80% du pays rochelais. D’autres les rejoindront.

Au vu des éléments en notre possession : 63 internés en 1940, 28 en 1941, 17 en 1943, dont une dizaine à la suite de l’arrêt de travail du 11 novembre, demandé par la BBC, de l’usine « Arts et Bois» de La Rochelle, 7 en 1944, 5 réfractaires au STO, et 4 divers… Des recherches sont encore à approfondir.

Les participants à cette cérémonie. (c) Photo Guy Hervy

Un des premiers internés a écrit qu’à ce moment-là, entre 1940 et 1941, il y a de nombreuses mutations, entrées et sorties de prisonniers.

Le Centre de séjour surveillé de Saint-Martin-de-Ré fonctionne jusqu’au 13 mai 1941 sous la direction exclusive des autorités de l’Etat français.

A cette date, les Allemands occupent la Citadelle, évacuent le personnel et une partie des détenus vers Fontevrault, Châteaubriant, Mérignac, vers les camps d’internement du Sud de la France, et même vers ceux d’Algérie.

Tous les détenus sont alors sous l’autorité allemande, de l’administration et l’organisation Todt. Contrairement aux droits communs, les « politiques », au sens large du terme, de plus en plus affamés, sont requis pour travailler à l’extérieur de la citadelle, au mur de l’Atlantique, conduits et encadrés par des sentinelles allemandes.

En 1940, il y a environ 8 000 Rétais dans l’île et plus de 2 000 Allemands. Les Rétais vivent pauvrement, principalement de la pêche, de leur jardin. Les communications avec le continent sont réglementées et de plus en plus rares, de nombreux lieux réquisitionnés, et en 1942 commence la construction du mur de I’Atlantique.

Comme il est souvent dit, l’Île de Ré est un immense chantier ; outre la Citadelle, les camps Todt sont répartis dans toute l’île.

Le 25 février 1944, cent « politiques » venant du camp d’internement de Pithiviers sont arrivés à Saint-Martin-de-Ré. Ils sont logés dans des maisons réquisitionnées. Nous n’avons pas d’autres informations à ce jour.

Le camp n°4 de Laleu est utilisé à partir de fin 1942 pour l’internement de 300 à 400 personnes par mesures administratives. Ces hommes travaillent en journée pour l’organisation Todt. Ce camp, situé près de l’aérodrome de La Rochelle, est bombardé par les Alliés le 27 mars 1944 et en partie détruit. Les internés sont alors hébergés provisoirement au lycée de garçons de La Rochelle, puis transférés, le 1er juillet 1944, à la citadelle de Saint-Martin-de-Ré.

II est toujours très difficile de pouvoir tracer l’itinéraire des internés. Des informations manquent. Les nombres de détenus varient selon les sources.

Malgré deux demandes du député Olivier Falorni (aujourd’hui excusé) près de deux Gardes des sceaux, nous ne savons toujours pas si ces internés dits « politiques » ont été recensés et enregistrés dans les « livres » ou « registres d’écrou » de la citadelle.

En revanche, nous avons connaissance de la destruction d’importants documents par les Allemands pendant la poche de La Rochelle, à laquelle était rattachée l’Île de Ré.

Discours de Mme Danièle Pinon devant la plaque hommage aux « patriotes, résistants et politiques internés dans la citadelle lors de la Seconde Guerre mondiale ». (c) Photo Guy Hervy

Pour terminer, je citerai Jacques Perruchon qui, dans son livre Camps d’internement en Poitou-Charentes et Vendée 1939-1948, communique une dernière information : « Les cent-cinquante détenus politiques de la citadelle de Saint-Martin-de-Ré furent libérés début décembre 1944 pour être échangés contre des militaires allemands prisonniers des FFI investissant La Rochelle. Ils sont passés le 5 à Rochefort ; ils n’ont pu être l’objet d’une réception officielle comme les autorités le souhaitaient car un certain nombre de détenus de droit commun se trouvaient dans le même convoi et il n’était pas possible qu’ils en bénéficient. »