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Extraits des discours de la 83e commémoration des exécutions de Châteaubriant
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À la Sablière :
« Nous refusons d’oublier par exemple qu’à Châteaubriant, la liste des 27 martyrs a été dressée par un patron français, Pierre Pucheu, qui commença par organiser en 1934 le financement de l’extrême droite par le Comité des Forges puis devint ministre de l’Intérieur du maréchal Pétain.
Nous refusons d’oublier et nous affirmons, haut et fort, que ce passé est notre fierté. Nous avons une dette vis-à-vis de ces militants. Les mots inscrits, peu avant son exécution, par Guy Môquet sur une des planches de leur baraque : « Les copains qui restez, soyez dignes de nous » résonnent en nous et nous montrent le cap. Dans la lettre qu’il écrit à sa famille quelques heures avant son exécution, il écrit « Certes, j’aurai voulu vivre, mais ce que je souhaite de tout mon cœur c’est que ma mort serve à quelque chose. » »
Sophie BINET, secrétaire générale de la CGT
« À 16 h 30, ici même, dans cette carrière, tout est fini, ils sont morts en laissant, un impérissable souvenir et leur immortel exemple. Dans le camp, le soir de ce 22 octobre, tous les internés spontanément se sont rassemblés au milieu du camp et ont fait l’appel des fusillés.
Depuis 83 ans, permettez-moi de le répéter, 83 ans, nous, familles, amis, camarades, passants, sommes encore là pour égrener leurs noms et les honorer. Ces 27 gars sont morts fièrement pour leur pays et leur idéal de paix et de fraternité, ici à Châteaubriant, mais aussi 16 à Nantes, 5 au Mont-Valérien et 50 autres le 26 octobre à Souge.
Le travail de Mémoire nous engage tous pour penser et créer l’avenir, un avenir que « Nous », Membres de l’Amicale, en mémoire de tous les nôtres, nous refusons de voir assombri par la haine de l’autre qui prolifère sur le terreau fertile de l’ignorance. »
Carine PICARD-NILES, présidente de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt
« « Les copains qui restez, soyez dignes de nous ». Comment ne pas être émus, ne pas faire notre autocritique, face aux gravures de nos camarades fusillés présentes ici au musée de la Résistance ? Comment se sentir dignes, quand l’espace médiatique et politique se nécrose chaque jour davantage des thèses mortifères de l’extrême-droite, quand nos organisations politiques et syndicales perdent des adhérents et peinent à recruter parmi les jeunes et les masses laborieuses ? « Ami si tu tombes… », combien des nôtres sont tombés et tombent encore sans relève ?
Pourtant, cette situation n’est pas une fatalité. Une page de formation de nos camarades est présente ici au musée. Ils s’y interrogent « Quels sont les moyens que possède le Parti pour se lier aux masses ? » et répondent « le Prolétariat s’est surtout organisé sur la base de la défense de ses intérêts immédiats ». La gangrène fasciste prospère là où nous déclinons, où nous baissons les bras. Alors haut les cœurs mes camarades, changer la vie disait Rimbaud, changer le monde disait Marx, les deux ne font qu’un pour nous. »
Alexandre VALENTE, secrétaire de la section PCF de Meaux
À l’emplacement du camp de Choisel :
« Le destin tragique de mon grand-oncle Eugène Kérivel, je l’ai appris tardivement, en tombant un jour par hasard dans le grenier de mes parents sur cette lettre que je vais vous lire.
Ma mère avait 8 ans en 1941, ses souvenirs étaient diffus, tant de choses étaient cachées aux enfants pendant la guerre. Ma tante plus âgée se souvient qu’Herlé, son père, mon grand-père, fut informé de l’exécution d’Eugène, son frère ainé, aimé et admiré, alors qu’il se trouvait sur sa vedette de garde-pêche au port Bénodet. Il remonta jusqu’à sa maison, s’enferma dans sa chambre, hurla et pleura de douleur de longues heures, en sortit et n’en reparla plus. Il ne se remit jamais de la mort de son frère, et mourut jeune au même âge qu’Eugène. Il se rendait régulièrement aux commémorations à Châteaubriant en bus de Bénodet, seul. Le destin d’Eugène fut un tabou dans notre famille, un trop sombre et si triste épisode qui aura bouleversé de tristesse ma famille maternelle, des lignées de marins pêcheurs de Douarnenez, des Penn-Sardines, des gens du peuple, travailleurs, courageux, humanistes, en lutte pour leur communauté d’ouvriers de la mer et si solidaires. »
Marie DUVAL, arrière-petite-nièce de Léoncie et Eugène Kérivel
À la Blisière (hommage aux 9 fusillés du 15 décembre 1941) :
« En ce jour de mémoire, parce que je suis moi-même descendant de fusillé (…), je veux avoir une pensée particulière pour les victimes collatérales de cette sinistre exécution, notamment les femmes. Car ces hommes avaient des mères, des sœurs, des filles, qui les ont pleurés. Des camarades au camps aussi. L’une d’elles était ma grand-tante. Ces traumatismes ont été transmis de génération en génération, parfois dans un silence dévastateur.
Et pourtant, nous devons toujours savoir tirer les leçons du passé. Toujours transmettre cette mémoire avec la même vigueur. Ne jamais nous reposer tant que la Bête est là, qui ose dorénavant se manifester à visage découvert, se nourrissant de frustrations et de peurs irraisonnées, plus forte que jamais. »
Nicolas BONNEFOIX, auteur, responsable de la commission communication à l’ACVRA