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Les cérémonies de Rouillé et de Vaugeton 2023

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publié le : 01/07/2023

Cérémonie à Rouillé. Juin 2023.

Les commémorations du 79e anniversaire de la libération du camp de Rouillé ainsi que du massacre des 31 résistants à Vaugeton en 1944 ont eu lieu le dimanche 25 juin dernier. Elles ont été organisées conjointement par l’AMRID en Pays Mélusin avec le Groupe FTPF Noël, notre Amicale et les municipalités de Celle-L’Evescault, Lusignan, Rouillé et Saint-Sauvant.

Nous avons le plaisir de vous retranscrire ci-dessous l’un des discours prononcés, en l’occurrence celui d’Etienne Egret.

ROUILLE : Cérémonie du 25 JUIN 2023 allocution

Nous sommes réunis aujourd’hui pour nous souvenir. Nous souvenir que voici presque 82 années le camp de Rouillé ouvrait, ici même, ses portes qui aussitôt se refermaient sur des civils. Des hommes qui avaient osé dire non au régime nazi, non à Pétain, non à Vichy.

Nous sommes ici pour nous souvenir qu’à Vaugeton, où nous serons tout à l’heure, il y aura 79 ans dans deux jours, 31 résistants étaient massacrés au bord de la route, victimes de la barbarie nazie ! Incroyable, impensable. Nous sommes là pour ne pas oublier ces pages de l’Histoire mélusine. Nous n’en avons pas le droit, mais nous avons celui de rendre hommage à ces hommes, à ces femmes d’autres camps, de toutes conditions sociales, de bords politiques, religieux, divers. Des personnes qui ont mis leurs intérêts personnels après ceux de la France, qui ont sacrifié leur Liberté pour que nous, nous gardions la nôtre.

Cérémonie Rouillé juin 2023.
Cérémonie Rouillé juin 2023. (c) Sylvain Lequitte

Peut-on oublier les actions de résistance menées dans ce secteur et plus encore celles menées après le débarquement allié du 6 juin 1944 ? Oublier les exactions des nazies car les SS à plusieurs reprises vont faire parler leur sauvagerie.

Non.

Pas plus que nous ne pouvons oublier la famille Papineau avec la mort de Marcel (capitaine Bernard), la famille Lombard, le docteur Cheminée, sœur Jeanne Cherer, son chauffeur Raymond Picard, le marchand de grains Georges Debiais, le musicien Marco Marcovitch, auteur du chant de Rouillé, le groupe Noël qui, par ses actions, va retarder la progression des panzers vers la Normandie, avec la présence aujourd’hui par la pensée de Lucien Philipponeau,

Pouvons-nous oublier que les 9 premiers fusillés à la butte de Biard ont été extraits de Rouillé ?
Oui, les résistants des secteurs de Rouillé, de Vaugeton, de Lusignan ainsi que de toute la région, auxquels s’étaient joints les anciens internés du camp, sont actifs, mais ils vont payer un lourd tribut. Certains sites en témoignent. Nous pouvons citer la forêt de Saint-Sauvant, le Bois des Cartes, La Briouze et bien sûr Vaugeton, des lieux répertoriés par les chemins de la Liberté avec la stèle des SAS, celle de la Liberté, celle de Vaugeton, les tombes des paras anglais SAS.

Tous ces hommes ont eu un comportement exemplaire. Leur héroïsme doit être reconnu.

Rouillé, camp de séjour surveillé, ben voyons, nos anciens étaient dans un camp, en séjour, surveillés pour ne pas faire de bêtises, sans doute ! Parce que, des bêtises, ils en font. Ils ne sont pas gentils, mais alors pas gentils du tout avec leurs gardiens. Ils pensent même à s’évader. Vous vous rendez compte !

Cérémonie à Vaugeton. Enumération des "Morts pour la France" par Jean-Jacques Guérin et Sylvain Lequitte.
Cérémonie à Vaugeton. Enumération des « Morts pour la France » par Jean-Jacques Guérin et Sylvain Lequitte. (c) Etienne Egret

Aujourd’hui, permettez-moi de faire un parallèle avec le camp de Voves, en Eure-et-Loir. Là-bas, en pleine Beauce, à 300 km d’ici, existait aussi un camp de séjour surveillé, similaire, un camp frère de celui de Rouillé avec des internés pas gentils, non plus. Pour cause, nous retrouvons les mêmes ‘’individus’’. Ce sont des hommes venant d’Aincourt, dans la région parisienne, qui formeront le premier contingent dans les deux camps.

Voves sera ouvert le 5 janvier 1942, liquidé le 9 mai 1944. Rouillé, ouvert le 6 septembre 1941, attendra les 10 et 12 juin 1944 pour être libéré par les FTP. Entre ces dates, que de ressemblances, d’échanges.

Le 31 octobre 1942, 20 internés font le trajet dans le sens Voves-Rouillé alors qu’autant le font en sens inverse !
Le 14 août 1943, 12 internés sont transférés de Voves à Rouillé. Le 22 novembre 1943, 115 internés jugés ‘’dangereux’’ quittent Rouillé et seront à Voves le lendemain. Le 13 avril 1944, 11 hommes, encore, arriveront à Voves. Au total, nous recensons 146 transferts Rouillé-Voves et 32 en sens inverse.

Parmi ces hommes de Rouillé, 13 participeront à Voves à la grande évasion dans la nuit du 5 au 6 mai 1944. Peut-on, ici, oublier l’énorme travail réalisé par sœur Cherer et l’énormité des risques qu’elle a encourus ?

A Voves la jeune déléguée de la Croix-Rouge Annette Monot se fera également remarquer. Nous ‘’retrouverons’’ une partie de ses actions de résistante dans le film ‘’la rafle’’.

Cérémonie à Vaugeton 2023. Remise de diplôme aux porte-drapeaux.
Cérémonie à Vaugeton 2023. Remise de diplôme aux porte-drapeaux. (c) Etienne Egret

A Rouillé, le théâtre tint une place ô combien importante. Là aussi, sœur Cherer joua, si l’on peut dire, une place importante, avec la fourniture des costumes. La pièce ‘’le barbier de Séville ‘’sera interprétée dans les deux camps, avec les mêmes acteurs après le transfert de novembre 1943. Combien de ces hommes pouvons-nous citer aujourd’hui ? Jacques Darmet, Henri Crotti, Jean Fumoleau (dont un hommage sera rendu cet après-midi à Simone, son épouse), René Sentuc, Henri Segal, Georges Gabet, Marcel Bouton, Charles Siquoir, Giordano Stroppolo et bien d’autres ! Sans oublier André Tollet et Fernand Devaux, qui, eux, n’ont pas connu les barbelés vovéens.

Nous ne pouvons pas non plus oublier les Espagnols détenus à Rouillé et à Voves, pour les mêmes raisons.

Victimes d’une politique de répression aux contours à géométrie variable, désireuse de leur faire perdre leur identité, ces hommes devaient attendre là le bon vouloir de leurs geôliers détenteurs de leur avenir, donc de leur vie. Hommes de l’ombre, ces hommes-là ont résisté, se sont battus avec leurs armes à eux. Et ils ont gagné.

Cette année 2023 marque le 80e anniversaire de faits importants. Citons la création du Conseil National de la Résistance avec ses « Jours Heureux », par Jean Moulin, ce préfet-résistant. C’était il y a 80 ans moins deux jours. Un CNR qui aujourd’hui encore rythme notre vie malgré quelques détricotements. Et, le 25 juin 1943, voici donc 80 ans aujourd’hui, Jean Moulin devait tenir à Paris la réunion du comité de coordination interzones. Hélas, le 21 il était arrêté à Caluire.

Jean Moulin avait réalisé l’impossible avant d’être assassiné par le sinistre Klaus Barbie et ses acolytes. Samedi dernier à La Taye, près de Chartres, nous commémorions son premier acte de résistance face à ses premiers bourreaux nazis, devant qui il refusait d’accuser l’armée française de crimes perpétrés en fait par des bombardements allemands.

Jean Moulin ? Nous ne pouvons cette année passer sous silence ni son action, ni sa mémoire.

Je souhaiterais saluer le gros, le très gros travail de mémoire réalisé par Jean-Jacques Guérin et toute son équipe au sein de l’AMRID. Oui, vous œuvrez tous, toutes, et depuis des années, pour que cette page de l’Histoire du Pays Mélusin ne tombe dans l’oubli, ne soit déformée ou accaparée. Il faut toujours être attentif. Vous l’êtes. Votre travail est un travail de référence. Il est à souligner de même qu’est à souligner cette connexion que vous entretenez avec les jeunes générations dont nous avons chaque année l’exemple.

Votre travail de mémoire est important et reconnu. Soyez- en fier.

Voici quelques années, nous pouvions dire et écrire que nous étions réunis dans ces lieux de mémoire pour nous souvenir, pour transmettre le message de nos aînés : ‘’Plus jamais ça !’’

Dès maintenant, car le temps presse, nous devrions transmettre cette mémoire aux plus jeunes afin qu’elle ne disparaisse.
Ces nouveaux passeurs, comme nous, devront défendre cette Paix pour laquelle nos anciens se sont battus, ont tant fait pour nous l’offrir, dans un pays libre.

Ces mots s’adressent à nos enfants, petits-enfants et déjà arrière-petits-enfants, futurs passeurs de mémoire.

Aujourd’hui, il est agréable d’entendre que Missak et Melinée Manouchian seront panthéonisés le 27 février prochain, jour anniversaire des 80 ans de l’assassinat de Missak. Un symbole. C’est une reconnaissance pour ce rescapé du génocide arménien qui donna sa vie pour notre France.

Mais, pouvons-nous… être rassurés, ou inquiets ?
Les anciens résistants, internés, déportés, disaient et écrivaient en 1945 : « On sait comment ça commence et maintenant on sait comment ça finit. »
Eh oui, maintenant nous savons que la Liberté, que la Paix, sont fragiles, jamais définitivement acquises. Sommes-nous capables de renouveler les gestes de nos anciens à l’heure où l’individualisme est une priorité ?

Vaugeton. La gerbe de l'Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt.
Vaugeton. La gerbe de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt. (c) Etienne Egret

Il nous faut toujours lutter contre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme. Pour la Liberté.

Pouvons-nous le dire encore aujourd’hui avec la même conviction ? Nous le voudrions bien mais… un Adolphe Poutine est passé, a semé la terreur. La guerre est de nouveau à nos portes ! Des individus de cette trempe-là ont-ils tiré la leçon ? Nous sommes en droit de nous poser la question. Et d’en suggérer la réponse !

Nous aurions dû la tirer, la leçon !
Nous ? Plutôt nos dirigeants, ceux du monde entier !
Il est également triste et inquiétant de voir aujourd’hui la guerre à nos portes, de constater que dans notre belle France des idées subversives en tous genre prolifères, dont les auteurs avancent avec des méthodes même plus cachées et ont des oreilles plus qu’attentives !

Alors, soyons prudents, ne revivons pas les années qui ont précédé la tragédie de la Seconde Guerre mondiale, ne disons pas « ces gens-là, nous ne les avons pas encore vus à l’œuvre ». Oh que si, c’était en 1940 ! Et nous savons la suite !

Alors attention ! Agissons, que nos dirigeants agissent, mais dans la bonne direction.

Que vive la démocratie. Que vive la Liberté ! Que vive la France républicaine !